BIOGRAPHIE

 

Mohammad Mokri est né en 1921, dans la ville de Kermanchah. Il descend de la famille d'Amîr Sayfeddin Mokri, qui fut gouverneur indépendant du Kurdistan Mokri au XVIIe siècle. Dès son enfance, suivant les recommandations de son grand-père Amîr-Hasan-Khân Mokri, fils de Safar-Khân Mokri, il étudie la langue et la grammaire arabes, parallèlement au persan, sa langue de culture et de pensée. Il parle également couramment, dès son plus jeune âge, trois dialectes kurdes et découvre, sur les instances de son grand-père maternel, Faradj-Beig, les oeuvres poétiques, épiques et historiques composées dans ces parlers.

Mohammad Mokri quitte Kermanchah à l'âge de treize ans, et poursuit de brillantes études au lycée Charaf de Téhéran, puis à la Faculté des Lettres, à l'Ecole Normale Supérieure, et même à la Faculté de Théologie (jusqu'à la troisième année), où il approfondit ses connaissances dans la langue et la littérature arabes, la philosophie et la logique, la législation et la jurisprudence islamiques. En 1949 enfin, il soutient avec succès sa thèse de Doctorat dans laquelle il traite des parlers de l'ouest de l'Iran - sujet jusqu'alors rarement abordé. Tout en enseignant les langues persane et pahlavie, ainsi que l'histoire, dans plusieurs lycées de Téhéran, à la Faculté des Lettres (section des langues étrangères, 1952-1954), à l'Ecole des Beaux-Arts et à l'Ecole Militaire (1949-1953), il poursuit autant sur le terrain que dans la consultation des sources écrites, la construction de son savoir. Il passe ainsi sa jeunesse à sillonner à cheval les routes de l'Iran ; parlant de nombreux dialectes, il entre en contact avec les villageois et les nomades qui lui confient leurs rites, leurs coutumes, leurs vocables. Pour sauver et développer cette immense culture, le jeune homme, proche de Mossadegh et de ses idées, fonde la première Education Nationale pour les tribus et nomades de l'Iran, dont il est le directeur de 1947 à 1950. En 1951, il est nommé Directeur Général au Ministère de l'Education Nationale.

 

Mohammad Mokri à l'Université de Téhéran lors d'une réception donnée en son honneur, 1979 (coll. M. Mokri).

 

En 1954, Mossadegh est en liberté surveillée, le Châh plus répressif que jamais. La vie devient intenable en Iran pour les opposants. Après une année de prison, Mohammad Mokri s'exile à Paris, sur les instances des Professeurs Massignon, Minorsky, Massé et Benveniste.

La France ! pays de liberté que sa famille et ses aïeux ont toujours admiré pour sa culture, son âme, ses hommes de lettres et ses savants. Mohammad Mokri, nommé au Centre National de la Recherche Scientifique, publie plusieurs ouvrages et intervient dans de nombreuses conférences. Il est honoré en 1965 par l'Académie des Inscriptions et des Belles-Lettres.

 

Mohammad Mokri entouré des deux savants de renommée internationale Messieurs Minorsky à gauche et Kurdoev à droite (coll. M. Mokri).

 

Mais le vent de la révolution souffle et le désir de rendre la liberté à son propre pays l'incite à participer à ce mouvement sans précédent en Iran, de 1979. Il accepte le poste périlleux d'Ambassadeur Plénipotentiaire de l'Iran à Moscou et en Mongolie (1979 - 1983), traque le mensonge et la corruption, conteste l'URSS qui envahit l'Afghanistan, résilie certains articles de traités défavorables pour l'Iran(1), œuvre enfin pour redonner un nom à son pays. Mais son indépendance, sa popularité et sa droiture inquiètent. On lui donne nommément le titre de Haut Conseiller International au Ministère du Pétrole (1984 - 1987), tout en cherchant à le supprimer…

Conscient de l'échec de la révolution, de sa récupération par des groupes assoiffés de pouvoir, il revient en France en 1989 pour reprendre son poste de chercheur au CNRS et transmettre, par ses ouvrages, son savoir et son érudition.

 

(1) : Mohammad Mokri a fait, en particulier, résilier un article du traité irano-soviétique de 1921 qui permettait à l'armée soviétique de pénétrer sur le territoire iranien en cas d'attaque de ce pays par des puissances étrangères. Une telle clause mettait en effet en danger l'indépendance et la souveraineté nationale de l'Iran. M. Mokri a également réclamé un partage plus équitable de l'exploitation des ressources de la Mer Caspienne et la libre-circulation à l'intérieur de ces eaux.